Béatification au Laos

21 janvier 2017

Le grand évènement chez les Missionnaires Oblats, et pour l’Eglise c’est la béatification récente des 17 martyrs du Laos : des laïcs, des prêtres, des oblats.

L’Église du Laos en liesse célèbre ses Martyrs.
Ce dimanche matin, 3e de l’Avent, une seule messe était célébrée dans tout le Laos. L’église du Sacré-Cœur, pro-cathédrale et seul lieu de culte de la capitale Vientiane, apparut bien minuscule au fur et à mesure que les fidèles, venus de tous les horizons, ayant rempli les quelque 400 places de l’édifice, se massaient dans tout l’espace disponible à l’entour – dont une grande cour d’école – puis dans les rues du voisinage.

D’immenses toiles de tentes avaient été déployées pour permettre à cette foule de se recueillir à l’abri du grand soleil. Des cadeaux – fleurs, images et médaillons des martyrs – étaient remis à chacun des arrivants. Une atmosphère de paix, de joie et de recueillement s’est répandue dès le début de la fête, qui s’ouvrit par la traditionnelle procession populaire du Christ-Roi dans les rues les plus proches.

L’Église catholique au Laos est toute petite, humble, presque cachée. Elle ne compte que 4 évêques, 21 prêtres et un diacre laotiens, quelques douzaines de religieuses, et un peu moins de 50 000 fidèles laïcs. Son histoire est mal connue. Plantée jadis au prix de la sueur et du sang de trois générations de missionnaires, elle ne peut guère compter aujourd’hui que sur ses propres forces, avec à peine l’appui d’une poignée de prêtres venus du Viêt Nam ou de Thaïlande. C’est dire à quel point l’événement de ce jour était unique, inouï pour ce petit pays et pour cette toute jeune Église.

Le Pape François avait envoyé le cardinal Orlando Quevedo, o.m.i., venu de Mindanao aux Philippines  ; c’est un homme aussi humble et très proche des gens que Celui qu’il représentait ici. Autour de lui prirent place 15 autres évêques – du Laos et du Cambodge, de Thaïlande et du Viêt Nam – les Supérieurs généraux des Missions Étrangères de Paris, des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée et de l’Institut Voluntas Dei, et plus de 150 prêtres, dont un très grand nombre venait du Viêt Nam et de Thaïlande  ; ceux arrivant des pays occidentaux n’étaient qu’une petite poignée. Les fidèles étaient plus de 6 000, déjouant les prévisions les plus optimistes qui attendaient de 3 à 4 000 participants.

Aux premiers rangs de l’assemblée prirent place les représentants des autorités de l’État et les délégués des religions reconnues au Laos, y compris Protestants et Musulmans  ; vis-à-vis, c’étaient les Ambassadeurs de France et d’Allemagne et quelques autres diplomates. Venaient ensuite les familles et les proches de quelques-uns des martyrs, venus de lointaines régions du Laos ou de France. Parmi ces proches, Mgr Tito Banchong, neveu du catéchiste Thoj Xyooj  ; Mgr Louis-Marie Ling, seul survivant de l’attentat qui coûta la vie à son cousin le catéchiste Luc Sy  ; le P. Yvon L’Hénoret, o.m.i., cousin de Vincent L’Hénoret et missionnaire au Laos comme lui  ; les nièces des Pères Noël Tenaud et Marcel Denis, m.e.p.… Dans une telle assemblée, on comprend à quel point l’émotion était au rendez-vous  ; mais aussi qu’il y avait d’autres enjeux, bien plus importants que la nostalgie ou le regard en arrière.

Au cœur de la célébration, le cardinal Quevedo donna lecture de la Lettre apostolique du Pape François déclarant «  Bienheureux  » les 17 martyrs, et fixant leur fête au 16 décembre. Ce court texte met en relief la fidélité de ces «  témoins héroïques du Seigneur Jésus Christ et de son Évangile de paix, de justice et de réconciliation, au prix de leur vie  ». Dans son homélie le représentant du Pape, commentant la vie et la mort du Père Joseph Tiên et de plusieurs autres, reprit longuement ce thème. À la fin de la célébration, au grand étonnement de l’assemblée, le Directeur-adjoint du Front Lao pour l’Édification de la Nation, organisme d’État sous la direction du Parti et du Ministère de l’Intérieur qui chapeaute les religions, fit longuement l’éloge de la doctrine et de l’action de l’Église catholique au Laos, et développa à son tour les termes mis en avant par le Pape François, disant tout ce que la Nation attendait de cette Église pour le bien commun. Le nonce apostolique Paul Tschang In-Nam, lui-même profondément enraciné dans la culture de l’Asie orientale, n’hésita pas à saisir la main tendue : il fit des vœux pour que l’harmonie et la collaboration se développent, de sorte que tout le peuple du Laos puisse se développer dans l’unité malgré les différences religieuses.
L’utilisation des langues fut un signe parlant du caractère profondément asiatique et laotien, et de la fête, et de l’Église en fête. À 75 %, ce fut en laotien  ; le célébrant s’exprimait bien entendu dans son anglais des Philippines  ; pour le reste, on entendit les langues usuelles de cette petite chrétienté : le kmhmu’, le hmong et le vietnamien. Pour le français et l’italien, il faudra attendre d’autres célébrations, qui se feront en temps voulu en Europe…

Bilan de cette journée mémorable  ? Voilà une Église humble et toute petite qui ose affirmer publiquement son existence, sa fierté, et son immense respect pour ceux qui au siècle dernier ont irrigué de leur sang les graines d’Évangile plantées dans le sol laotien. Voilà une Église qui ne se cachera plus, et qui trouvera chaque jour davantage sa place et son rôle au sein de la Nation et de la chrétienté tout entière.

P. Roland Jacques, o.m.i., Vice-Postulateur
Vientiane, Laos, le 11 décembre 2016